idée, invention ou innovation ?
Il y a une notion de gradation entre ces 3 éléments et elles font toutes partie du processus d’innovation dont la finalité est l’innovation en tant que telle.
L’idée constitue la phase initiale du processus d’innovation, elle est l’inspiration de départ…enfin, pas tout à fait, si l’on se réfère à Miguel Aubouy* et aux 3 étapes du processus d’innovation.
En fait, selon Miguel, la première étape du processus d’innovation est l’observation clé.
L’observation clé, c’est quelque chose que l’on ne cherche pas forcément et qui attire néanmoins notre attention. Quelque chose qui est suboptimal ou quelque chose qui n’est pas et qui pourrait être. L’observation clé ne devient pas automatiquement une obsession, néanmoins il est difficile de l’oublier totalement une fois que l’on en a été le témoin. Elle tourne en arrière-plan dans notre tête, de manière plus ou moins intense.
Un jour ou l’autre, avec plus ou moins de sérendipité, émerge l’idée clé.
L’idée clé** constitue la deuxième étape du processus d’innovation; elle est une solution possible à l’observation clé, tout du moins conceptuellement car à ce stade il n’y a nulle évidence que celle-ci ne soit ni réalisable, ni désirable, ni viable.
L’idée clé monopolise alors notre attention et nous permet d’atteindre la troisième étape du processus, à savoir l’objet clé.
L’objet clé est ce qui permet à l’idée clé de faire son chemin vers l’adoption auprès des bénéficiaires. A son stade émergent, l’objet clé n’est toutefois qu’une forme de transposition de l’idée dans le monde réel. Il atteste d’une forme de faisabilité et subira néanmoins a coup sûr de nombreuses évolutions (James Dyson a produit pas moins de 5127 prototypes de son aspirateur sans sac).
L’objet clé est l’invention. Au sens du brevet, qui s’applique dans le cas d’une invention technique, l’invention doit remplir trois critères que sont la nouveauté, l’activité inventive et l’application industrielle. Le brevet ne s’inquiète pas de savoir si la solution est désirable et solutionne une réelle problématique.
L’objet clé n’est donc pas (encore) l’innovation. Tout comme les brevets ne sont pas directement un indicateur du niveau d’innovation de l’entité qui les produit (entreprise ou pays)***.
L’invention ne deviendra innovation qu’à la condition qu’elle trouve son succès sur le marché et rencontre un public lui faisant un accueil favorable. L’innovation est une invention, pas forcément technique, dont la désirabilité est établie et qui se transcrit par une adoption par les utilisateurs.
Parcourir le chemin de l’innovation, c’est démarrer avec soi-même (l’idée) pour peu à peu s’ouvrir et se confronter au monde (l’innovation). Il peut parfois être tentant d’assimiler invention et innovation, car c’est bien le passage de l’une à l’autre qui a tendance à nous pousser en dehors de notre zone de confort et de compétences le plus souvent, néanmoins c’est prendre un raccourci dangereux et mettre en péril tous les investissements consentis pour en arriver là.
*Miguel Aubouy est un auteur, un conférencier, un enseignant et un chercheur pour ne citer que quelques unes de ses casquettes. Il se décrit lui même comme un “marchand d’armes intellectuelles”. Dans cette optique, il a créé l’Arsenal de l’innovation, un groupe de travail dont l’objectif est d’étoffer le corpus de connaissances en innovation et de le diffuser. J’ai la chance d’en faire partie et de pouvoir apporter ma pierre à cet édifice. Miguel a écrit plusieurs ouvrages traitant de l’innovation, dont le plus récent, l’innovation comme science, décrit l’approche présentée plus haut et en démontre l’aspect actionnable au travers d’exemples historiques.
**La confusion entre l’idée et l’innovation est aussi entretenue dans l’imaginaire collectif car lorsque l’on rentre “innovation” en mode recherche d’images sur Google, nombre de propositions sont constituées de déclinaisons d’une ampoule, qui est depuis longtemps admise comme étant le symbole de l’idée (Eureka).
***Un partie non négligeable des brevets déposés ne donne d’ailleurs jamais lieu à un produit commercialisé en tant que tel. Ils peuvent constituer des éléments ou sous-éléments clés d’un produit ou ne pas du tout être exploités. Le fait que ce soit l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle (WIPO) qui est en charge de publier l’Indice Mondial de l’Innovation (GII) peut potentiellement contribuer à la confusion entre invention et innovation.
